PUAM: Le testament d'Albert Camus, Youtube, 16.02.2010 |
Discours prononcé devant des réfugiés espagnols ayant fui le Franquisme
«J’essaie, en tout cas, solitaire ou non, de faire mon métier.
Et si je le trouve parfois dur, c’est qu’il s’exerce principalement dans l’assez affreuse société intellectuelle où nous vivons,
où l’on se fait un point d’honneur de la déloyauté,
où le réflexe a remplacé la réflexion,
où l’on pense à coup de slogan,
et où la méchanceté essaie de se faire passer trop souvent pour l’intelligence.
Que faire d’autre alors, sinon se fier à son étoile
et continuer avec entêtement la marche aveugle, hésitante, qui est celle de tout artiste et qui la justifie quand même, à la seule condition qu’il se fasse une idée juste, à la fois de la grandeur de son métier, et de son infirmité personnelle.
Cela revient souvent à mécontenter tout le monde.
Je ne suis pas de ces amants de la liberté
qui veulent la parer de chaînes redoublées,
ni de ces serviteurs de la justice qui pensent qu’on ne sert bien la justice qu’en vouant plusieurs générations à l’injustice.
Je vis comme je peux, dans un pays malheureux
riche de son peuple et de sa jeunesse,
provisoirement pauvre dans ses élites,
lancé à la recherche d’un ordre et d’une renaissance à laquelle je crois.
Sans liberté vraie, et sans un certain honneur, je ne peux pas vivre.
Voilà l’idée que je me fais de mon métier.»
Albert Camus, 22 janvier 1958
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